Où le mariage entre frère et sœur est-il légal dans le monde

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Les chiffres sont sans appel : la quasi-totalité des pays condamne le mariage entre frère et sœur, érigeant cette union au rang d’interdit majeur. Pourtant, derrière l’unanimité affichée, des failles et des nuances persistent. Certains États introduisent des exceptions rares, souvent soumises à des conditions strictes ou à des motifs médicaux. Ce paysage juridique, loin d’être figé, révèle la tension constante entre la loi, l’histoire et le poids du tabou.

Pour démêler les enjeux du mariage consanguin, il faut d’abord séparer clairement deux notions. D’un côté, la consanguinité, qui désigne l’union entre personnes issues d’une même lignée. De l’autre, l’inceste, qui déborde le simple fait biologique et touche l’interdit social, moral et judiciaire d’un lien sexuel ou matrimonial au sein d’une même famille. Claude Lévi-Strauss, grand nom de l’anthropologie, l’a martelé : la règle d’exogamie, qui force à épouser hors de son propre cercle familial, structure la société humaine depuis ses origines. Interdire l’inceste, c’est dresser la frontière décisive entre la nature brute et la culture bâtie ensemble, une frontière infranchissable pour presque tous.

En France, le code civil est limpide : aucune union n’est permise entre ascendants et descendants, ni entre frères et sœurs, qu’ils partagent les deux parents ou un seul. Les justifications dépassent le simple terrain de la génétique. On cherche avant tout à préserver l’équilibre familial, à éviter toute confusion entre les générations et à garantir la clarté des filiations. L’échantillon de Murdock, qui recense des sociétés à travers le globe, classe cette interdiction parmi les règles les plus universelles jamais recensées.

Pour y voir plus clair sur ce que la loi admet ou rejette, voici les situations les plus courantes :

  • Le mariage entre cousins reste légal dans de nombreux pays. Ce sujet alimente d’ailleurs souvent débats et controverses, notamment dans une partie de l’Europe occidentale.
  • À l’opposé, le mariage entre frère et sœur est explicitement interdit en France, au Canada et dans la quasi-totalité des pays occidentaux, même lorsqu’il s’agit de demi-frères ou de demi-sœurs.

L’amalgame entre inceste et consanguinité revient sans cesse dès qu’on aborde les questions de famille et de filiation. Même lorsque des arguments médicaux sont mis en avant, le poids du symbole et de la tradition, forgé au fil des siècles, reste prépondérant. Ici, le droit tente de composer entre la science et l’héritage collectif sans jamais trancher à la légère.

Quels pays autorisent le mariage entre frère et sœur ?

L’union entre frère et sœur figure parmi les interdits les plus rigides des législations mondiales. France, Canada, Europe, Asie, Afrique : partout, la loi dresse une barrière sans compromis. Même en Suède, pourtant souvent citée pour sa liberté en matière de droits individuels, l’interdiction est maintenue. Une exception, rarissime : une autorisation peut parfois concerner des demi-frères et demi-sœurs, strictement encadrée et soumise à une procédure administrative rigoureuse. Ce type de dérogation ne laisse aucune place à l’arbitraire.

Ce verrou juridique jure avec certains épisodes du passé. Dans l’Égypte antique, les familles royales pouvaient légalement unir frère et sœur pour préserver la pureté dynastique : Cléopâtre VI et Ptolémée XIII en sont des exemples connus. D’autres élites, rois d’Hawaï, noblesse azandé, souverains incas, s’y adonnaient aussi, mais toujours dans des contextes spécifiques, liés à la religion ou au pouvoir, jamais dans la population générale.

Aujourd’hui, aucun État ne reconnaît officiellement le mariage entre frère et sœur. Le tabou demeure massif. Même la Suède, avec sa tolérance très limitée pour certaines demi-fratries, incarne cette prudence extrême. Partout, la ligne de partage ne laisse pas de place au doute : l’histoire a pu tolérer des cas isolés, la société moderne ne l’admet plus.

Conséquences génétiques et enjeux de santé publique liés à la consanguinité

Quand la consanguinité touche au degré d’un frère et d’une sœur, le risque sanitaire grimpe en flèche. Les maladies génétiques récessives se transmettent alors beaucoup plus fréquemment. Deux parents porteurs du même gène défectueux exposent leurs enfants à une probabilité accrue d’en hériter. Ce constat scientifique alimente la rigueur de l’interdiction en Europe, et explique la grande prudence observée ailleurs, même là où le mariage entre cousins est toléré.

Plus la parenté est proche, plus les anomalies à la naissance ou les troubles du développement sont fréquents. Il ne s’agit pas d’un jugement moral, mais d’un fait médical largement documenté. Dans certaines régions du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord ou d’Asie du Sud, le mariage consanguin perdure par tradition ou volonté de préserver le patrimoine familial. Les autorités sanitaires, face aux conséquences, multiplient les mises en garde sur la progression de maladies héréditaires comme la thalassémie ou les troubles immunitaires.

En Suède, la commission d’enquête présidée par Anne Kuttenkeuler a récemment proposé d’interdire le mariage entre cousins pour freiner ces risques sanitaires. Désormais, le certificat de capacité à mariage n’est délivré qu’après vérification de l’absence de lien familial direct. Les arguments médicaux pèsent de plus en plus lourd dans le débat public, là où se croisent enjeux éthiques et santé collective.

mariage frère-sœur

Panorama de la législation sur l’inceste en Europe, en Amérique et ailleurs

En Europe, la prohibition de l’inceste s’impose aussi bien dans les textes qu’au cœur des mentalités. Le code civil français interdit toute union entre frères et sœurs, que ce soit par le sang ou par alliance. Cette règle s’applique de Lisbonne à Varsovie, sans distinction de culture ou de religion. Pour se marier, il faut prouver l’absence de tout lien familial direct, sans exception à la règle.

Au Canada, la logique est similaire : le code pénal prévoit des peines sévères pour toute relation sexuelle ou union entre proches parents, que ce soit dans le cadre d’un mariage ou d’une vie commune. Aux États-Unis, chaque État fixe ses propres critères, mais la quasi-totalité interdit le mariage entre frères et sœurs, qu’ils soient liés par le sang ou adoptés. Les rares tolérances concernent des degrés de parenté plus éloignés, jamais la fratrie directe.

En Suède, sous l’impulsion de l’accord Tidö et du travail mené par la commission Kuttenkeuler, un renforcement global des interdictions sur les mariages familiaux est à l’étude. L’intention affichée : empêcher tout contournement de la loi via l’immigration clandestine et protéger les personnes vulnérables contre l’inceste ou les abus dans la sphère familiale. Si ce durcissement législatif est adopté, il pourrait inspirer d’autres pays européens désireux de verrouiller leur arsenal juridique.

Dans le reste du globe, la doctrine ne varie guère. Du Maghreb à l’Asie, de l’Amérique du Sud à l’Afrique subsaharienne, aucun droit moderne ne reconnaît l’union entre frère et sœur. Les quelques dérogations du passé concernaient exclusivement les élites, sans jamais se diffuser dans la société. Où que l’on regarde, la prohibition de l’inceste tient lieu de boussole, traversant les époques et les frontières, maintenant les repères familiaux au cœur de la société.